Imaginez ceci. Vous avez le prétexte parfait pour aller magasiner : vous êtes en quête de l’achat « parfait ».
Peut-être que c’est une nouvelle paire de chaussures, une escapade de détente ou un cadeau pour votre neveu nouveau-né.
Peu importe, votre enthousiasme s’intensifie pendant la quête de cet achat quand, enfin, vous le dénichez. Certes, il coûte un peu cher, mais il correspond en tous points à ce que vous recherchiez. Achat effectué, mission accomplie … non?
Plus tard, vos sentiments commencent à changer. Vous n’êtes plus enthousiaste à l’égard de votre achat, ni heureux. Son coût commence à créer de l’anxiété.
Voilà donc les montagnes russes émotionnelles du magasinage : chaque dollar que vous dépensez peut s’accompagner d’une coût émotionnel. Beaucoup de personnes le ressentent aussi. Et la science le confirme.
Les chercheurs ont étudié « l’euphorie du magasinage » et découvert les effets des achats sur le cerveau et le corps. Ces derniers dévalent avec vous ces montagnes russes et subissent aussi le sentiment d’abattement qui s’ensuit.
Prenons les hormones. Les scientifiques ont étudié le lien entre la dopamine et le magasinage. La dopamine est liée à l’enthousiasme; elle nous aide à ressentir l’aspect stimulant de la « chasse » et à rester motivés pendant que nous tentons de dénicher le cadeau de fête parfait pour un ami difficile. Une bouffée de dopamine est stimulante, mais il y a un hic : le cerveau l’émane en prévision de la récompense (disons, un achat), plutôt que pour la récompense elle-même. C’est peut-être pourquoi « l’euphorie du magasinage » se dissipe dès que l’achat est effectué.
Quant à la sérotonine, elle favorise non seulement le retour à un état de contentement après sa perturbation, mais elle est aussi associée à la générosité et à d’autres comportements « prosociaux » positifs. Elle pourrait expliquer le « chaud au cœur » qu’on ressent après avoir acheté un cadeau. Pour sa part, le cortisol, parfois appelé « hormone du stress », semble jouer un rôle dans les sentiments de regret, comme la culpabilité et la honte — et, potentiellement, « le remords de l’acheteur ».
À l’aide de technologies d’imagerie, les chercheurs découvrent aussi des liens entre certaines parties du cerveau et les émotions — notamment celles que nous ressentons en magasinant. Le graphique ci-dessous illustre les parties du cerveau qui, selon une imagerie par résonance magnétique fonctionnelle, sont activées — c’est-à-dire qui connaissent une augmentation de l’afflux sanguin — en réponse à divers stimuli émotionnels.
Il y a donc lieu de se poser la question suivante : existe-t-il une façon de dépenser d’une façon qui provoque l’enthousiasme du magasinage et le bonheur d’un achat judicieux, tout en permettant d’éviter le sentiment de nervosité et d’anxiété découlant d’un « mauvais » achat? Peut-on dépenser d’une façon qui préserve l’équilibre du corps (et du budget) et fait fi du sentiment d’abattement?
L’expérience de science comportementale d’Interac
Chez Interac, nous savons que les Canadiens modifient leurs dépenses pour se remonter le moral, mais qu’ils veulent aussi respecter leur budget et éviter l’endettement. Donc, nous venons de publier une nouvelle étude sur les émotions que ressentent les gens lorsqu’ils dépensent, histoire d’injecter une dose de science à l’art des achats judicieux.
Dans le cadre de son expérience de science comportementale, Interac a invité 1 088 Canadiens à faire rapport de leur réaction émotionnelle à de nombreux achats, tant petits que gros. Certains de ces achats ont été effectués concrètement, alors que d’autres ont eu lieu dans une boutique simulée. Maintenant, dans l’intérêt de la science (ou, du moins, des achats judicieux), analysons certains des principaux résultats.
Bonheur, indépendance financière et respect du budget
L’un des résultats les plus étonnants? Selon l’expérience de nos sujets, les gros achats engendrent souvent plus de bonheur que les petits. Bien qu’une dépense supérieure à 50 $ ait créé plus de nervosité chez nos sujets, ceux-ci disent que leurs sentiments de bonheur et d’enthousiasme l’éclipsaient, ce qui pourrait représenter un compromis acceptable.
Comment est-ce possible que des dépenses supérieures créent plus de bonheur? Pour obtenir des observations d’experts à ce sujet, nous avons fait appel à Dre Gillian Mandich, chercheuse sur le bonheur établie à London, en Ontario, et fondatrice du International Happiness Institute of Health Science Research.
Dre Mandich suggère que c’est l’autonomie — le sentiment d’indépendance financière découlant du respect d’un budget —, plutôt que le montant de l’achat, qui pourrait représenter le facteur déterminant de notre réponse émotionnelle à de nombreux achats. « Les recherches démontrent que l’autonomie est un meilleur indicateur du bonheur que l’apparence physique, la popularité et le solde bancaire », dit-elle. « Le fait de dépenser son propre argent peut être très valorisant quand on le fait intentionnellement et délibérément. »
Pour cette raison, le fait de respecter un budget en effectuant consciencieusement de gros achats peut engendrer plus de bonheur que les petits achats impulsifs, qui risquent de faire dérailler les finances et de créer une situation d’endettement. « Quand vous payez par débit, vous utilisez l’argent que vous détenez déjà », précise Dre Mandich.
Charité bien ordonnée commence souvent par soi-même
Pourquoi donner? La générosité est associée à la sérotonine, qui peut nous aider à cultiver un sentiment de bien-être. Or, selon les résultats de notre expérience, le cadeau idéal pourrait en fait être celui qu’on offre à … soi-même.
« Parfois, la joie rattachée à la remise d’un cadeau découle du bonheur que celui-ci apporte à l’autre personne », explique Dre Mandich, en ajoutant qu’il a été difficile, pendant la pandémie, de pouvoir voir la joie sur le visage des personnes à qui on offrait un cadeau.
D’autre part, c’est également agréable de se gâter. Donc, si vous fréquentez peu de personnes actuellement, le moment pourrait être particulièrement propice à l’achat de petits cadeaux pour vous faire plaisir.
Les moments agréables : un excellent investissement
Notre expérience a confirmé le vieil adage voulant que les expériences apportent plus de bonheur que les biens matériels.
Selon Dre Mandich, ces expériences n’ont pas besoin d’être grandioses pour contribuer au bonheur.
« C’est pertinemment clair que les expériences apportent plus de bonheur », dit Dre Mandich, et une classe de yoga ou une sortie peu coûteuse pourraient être suffisantes. « Nous avons tendance à penser que ce sont les grands moments, comme les remises de diplôme, les anniversaires et les voyages, qui nous apportent le plus de bonheur. Or, en réalité, ce sont les petits événements de tous les jours qui donnent lieu à des explosions de joie et qui, en fait, peuvent nous rendre plus heureux. »
Pour un bonheur maximal, alignez votre budget sur vos passions
Vraisemblablement, la principale conclusion de l’expérience d’Interac réside dans l’observation voulant que les dépenses alignées sur les passions individuelles soient plus susceptibles de créer un sentiment de bonheur quand on repense à l’achat en question.
« Les Canadiens ont véritablement cultivé leurs passions pendant la pandémie, découvrant de nouveaux intérêts et de nouvelles activités qui les font vibrer et leur apporte de la joie », explique Dre Mandich. « Lorsqu’on connaît ses passions et qu’on dépense en conséquence, on crée la combinaison idéale pour la réalisation d’achats qui apportent le bonheur. »
Notre expérience suggère aussi que les personnes plus jeunes sont davantage susceptibles de faire des achats motivés par leurs passions.
Quel que soit votre âge, la leçon à retenir, c’est que l’argent n’achète pas le bonheur — directement. Cela dit, les dépenses discrétionnaires peuvent éveiller le cerveau et attiser les hormones, créant une dose durable de sentiments agréables, si vous alignez vos achats sur vos passions et conservez un sentiment d’indépendance financière et de contrôle en faisant des achats par débit.
En fin de compte, c’est le budget personnel qui permet de cultiver les passions.
« Les sources de bonheur varient d’une personne à une autre et correspondent généralement aux passions individuelles », conclut Dre Mandich, « mais il nous incombe de les découvrir ».